Vladimir
Vladimir IVANOVITCH est une pointure.
C'est comme ça à la fac. On a des Professeurs Docteurs, Chercheurs Spécialisés qui, à leurs heures perdues, enseignent des banalités aux cloportes ignorants que sont les élèves.
Alors évidemment, il y en a qui aiment ça, enseigner, apprendre les choses de la vie à de jeunes cervelles tendres encore quasi-vierges de connaissances.
Et puis il y a les autres. Il y a les Vladimir IVANOVITCH, docteurs en physique émigrés russes, derniers disciples du maître dément Pythagore, et que vivent les mathématiques, la beauté est numéraire, la vérité est dans les chiffres et la réponse est 42.
Le genre que l'on admire, même si on ne sait pas pourquoi.
Le genre que l'on aime écouter parler, même si l'on ne comprend pas.
Parce qu'il est bien là le problème. Même avec toute la bonne volonté du monde, on ne comprend pas. On ne PEUT pas comprendre. C'est physiologiquement hors de nos moyens.
En effet, Vladimir parle tout seul. Il n'adresse aucun regard à ses élèves. Il ne souhaite aucun échange. En réalité, il se contente de méditer à voix haute.
Parfois, après avoir énoncé un théorème, Vladimir fait le silence, ses yeux se plissent, son oreille se tend : il attend que lui revienne l'écho de sa prose mathématico-poétique, afin de se féliciter de son génie .. encore une fois.
Et quand il ne fait pas le silence, Vladimir vaporise son flot de paroles abstraites sur les rangs serrés des élèves comme on vaporise une brume de pesticides au dessus d'un champ de pommes de terre.
En bons tubercules que nous sommes, nous ingurgitons, sans résistance aucune, ces substances algorythmiques dont la bienfaisance des vertus nous semble parfois douteuse.
Mais qu'importe, puisque c'est Vladimir qui l'a dit.
Pauline